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https://altair.imarabe.org//notice.php?q=id:128840entry17e siècleLa bande en lin grège, très délicate, porte un élégant décor de fleurs brodées en soie polychrome. Sur toute la longueur de la pièce se déroule une succession de bouquets en amande, composés d'une double couronne de fleurs dentelées. Entre chaque bouquet, trois autres fleurs de la même espèce sont disposées en angle à partir des bordures latérales. Un feston de fleurs dentelées, doublé aux deux extrémités, encadre la composition. La broderie a été exécutée au point biaisé ("ma'alka"), pour le remplissage des motifs et au point natté pour le fin galon du pourtour. La palette est dominée par un rouge et un bleu intenses, mais comprend également de l'ivoire, du jaune citron, du vert pistache, du mauve et du rose doré. <br />
Il était de coutume de tendre cette paroi textile à l'entrée du patio ou à l'intérieur des chambres pour créer des zones d'intimité. Elle a pu également être laissée dans son format et flotter à côté de bandes similaires, ou encore recouvrir un miroir ou un divan. D'autres broderies, utilisant la même technique et le même répertoire, servaient de tentures murales (le tissu de fond était alors plus épais), mais aussi d'écharpes ("tanchia"), et, dans des formats plus étroits, de coiffes de hammam ("beniqa"). <br />
A la fin du Moyen-Age, l'arrivée des Morisques chassés d'Espagne stimule en Algérie la production de la soie et des ouvrages en fils précieux. Léon l'Africain qui visite Cherchell, au début du XVIe siècle, signale que les anciens habitants de Grenade y sont "adonnés au métier de la soye". Plus tard dans le siècle, le Bénédictin Fray Diego de Haedo fait la même observation dans sa relation sur les "Rois d'Alger". Quant aux broderies, il faut les mettre en relation avec les parures et les modes vestimentaires que les hauts-fonctionnaires ottomans et leurs épouses introduisent dans les villes du Maghreb à partir de 1518. Cette domination ottomane, rappelons-le, va s'exercer sur plus de trois-cents ans (1518-1830). Or, au début du XVIIe siècle, la mode des broderies fait fureur dans le Palais de Topkapi. Tout y est brodé, les couvertures de divans, les coussins, les tentures et même les tapis de la salle d'audience, qu'on appelle en turc des "nihale", et qui sont exécutés par des ouvriers spécialisés. Cette technique ne tardera pas à être imitée par les femmes des harems turco-algériens, qui, elles-mêmes, originaires des quatre coins de la Méditerranée, tenaient à se démarquer des productions locales. <br />
Trois cercles de production sont à envisager : celui des grands harems d'Alger, initiateur des modes et détenteur des motifs "impériaux", celui des riches familles algériennes où se transmettent formes et techniques et celui des ateliers urbains. A ce sujet, on connaît les observations du Français Venture de Paradis, qui était à Alger en 1789 : "le goût des Algériens est pour la broderie, les hommes et les femmes en ont sur leurs habits pour des sommes importantes". Le panneau du musée de l'Institut du monde arabe est probablement l'exemplaire le plus ancien de broderie d'Alger de type "rouge et bleu" connu à ce jour. La qualité exceptionnelle de ses teintures, de ses fils de soie et de son décor, le situe à une date reculée. Le XVIIe siècle peut être sérieusement envisagé et, dans cette hypothèse, il pourrait être contemporain du voile de Chartres qui se trouve être lui aussi le paradigme de son groupe.
17e siècle
Type de ressource :
Œuvres et objets
Dénomination :
Broderie
Lieu d'exécution :
Alger
Algérie
Date d'exécution :
17e siècle
Matières et techniques :
lin grège (étamine ; fond du tissu) ; décor : soie polychrome ; fils (comptés) (brodés)
Dimensions :
l. 43 cm, L. 300 cm
Numéro d'inventaire :
AI 03-07
Mode d'acquisition :
acquis avec le soutien de la Société des Amis de l'IMA
Commentaire de l'oeuvre :
La bande en lin grège, très délicate, porte un élégant décor de fleurs brodées en soie polychrome. Sur toute la longueur de la pièce se déroule une succession de bouquets en amande, composés d'une double couronne de fleurs dentelées. Entre chaque bouquet, trois autres fleurs de la même espèce sont disposées en angle à partir des bordures latérales. Un feston de fleurs dentelées, doublé aux deux extrémités, encadre la composition. La broderie a été exécutée au point biaisé ("ma'alka"), pour le remplissage des motifs et au point natté pour le fin galon du pourtour. La palette est dominée par un rouge et un bleu intenses, mais comprend également de l'ivoire, du jaune citron, du vert pistache, du mauve et du rose doré. <br />
Il était de coutume de tendre cette paroi textile à l'entrée du patio ou à l'intérieur des chambres pour créer des zones d'intimité. Elle a pu également être laissée dans son format et flotter à côté de bandes similaires, ou encore recouvrir un miroir ou un divan. D'autres broderies, utilisant la même technique et le même répertoire, servaient de tentures murales (le tissu de fond était alors plus épais), mais aussi d'écharpes ("tanchia"), et, dans des formats plus étroits, de coiffes de hammam ("beniqa"). <br />
A la fin du Moyen-Age, l'arrivée des Morisques chassés d'Espagne stimule en Algérie la production de la soie et des ouvrages en fils précieux. Léon l'Africain qui visite Cherchell, au début du XVIe siècle, signale que les anciens habitants de Grenade y sont "adonnés au métier de la soye". Plus tard dans le siècle, le Bénédictin Fray Diego de Haedo fait la même observation dans sa relation sur les "Rois d'Alger". Quant aux broderies, il faut les mettre en relation avec les parures et les modes vestimentaires que les hauts-fonctionnaires ottomans et leurs épouses introduisent dans les villes du Maghreb à partir de 1518. Cette domination ottomane, rappelons-le, va s'exercer sur plus de trois-cents ans (1518-1830). Or, au début du XVIIe siècle, la mode des broderies fait fureur dans le Palais de Topkapi. Tout y est brodé, les couvertures de divans, les coussins, les tentures et même les tapis de la salle d'audience, qu'on appelle en turc des "nihale", et qui sont exécutés par des ouvriers spécialisés. Cette technique ne tardera pas à être imitée par les femmes des harems turco-algériens, qui, elles-mêmes, originaires des quatre coins de la Méditerranée, tenaient à se démarquer des productions locales. <br />
Trois cercles de production sont à envisager : celui des grands harems d'Alger, initiateur des modes et détenteur des motifs "impériaux", celui des riches familles algériennes où se transmettent formes et techniques et celui des ateliers urbains. A ce sujet, on connaît les observations du Français Venture de Paradis, qui était à Alger en 1789 : "le goût des Algériens est pour la broderie, les hommes et les femmes en ont sur leurs habits pour des sommes importantes". Le panneau du musée de l'Institut du monde arabe est probablement l'exemplaire le plus ancien de broderie d'Alger de type "rouge et bleu" connu à ce jour. La qualité exceptionnelle de ses teintures, de ses fils de soie et de son décor, le situe à une date reculée. Le XVIIe siècle peut être sérieusement envisagé et, dans cette hypothèse, il pourrait être contemporain du voile de Chartres qui se trouve être lui aussi le paradigme de son groupe.
L'Islam dans les collections nationales. Jean-Paul ROUX (dir.) (Réunion des Musées nationaux, Paris, 1977), p. 229-230 ; Album du musée. Eric DELPONT (et al.) (Somogy éditions d'art, Paris, 2012), p. 305